30 Days of night : Dracula yéti ?

Publié le par Sylvain Thuret

Vampires, vous avez dits vampires ? Cette fois, il n'y a pas que leurs dents qui sont bien blanches. 


30days.jpgSALEM EN ALASKA

Adapté d’un "graphic novel" comme on dit dans les milieux chébran, 30 Days of night raconte le siège d’une ville plongée 30 jours durant dans la nuit polaire. Une poignée de rescapés tente de survivre à leurs assaillants, une horde de vampires bien rencardés sur les avantages d'une telle situation. The Thing rencontre Assaut rencontre Vampires en somme. Plus encore, le premier quart d’heure, qui installe immédiatement la menace sous la forme d’un bateau gigantesque pris dans les glaces, pour s’attarder ensuite sur le cadre de cette petite ville, ses personnages et ses rites, semble directement tiré d’une œuvre de Stephen King, Salem’s lot. Selon la loi de l'emmerdement maximum, le héros-malgré-lui de cette sombre épopée est un jeune shérif dont la femme vient de le quitter. La tension monte à mesure que l’on prend connaissance de ce qui pourrait par ailleurs nourrir un film entier, entre crise conjuguale et chronique villageoise et ce jusqu'à l'explosion de violence la plus totale. Le meilleur de ce film se situe ainsi dans cette première partie. C’est comme si Carpenter adaptait Stephen King pour la seconde fois, tant on retrouve la patte des deux maîtres. A savoir l’installation de bases sociales et affectives crédibles bafouées sans ménagement et perverties par la proximité d'un mal surnaturel indicible, vénéneux et implacable.


TRISTESSE DE L'HORREUR

Après le point de basculement, les horror freaks qui tiennent à leur dose de gore et de décapitations seront ravis, façon amagad that’s so cool ! ("putain c'est vachement chié" de ce côté-ci du globe). Si le cahier des charges est bien respecté, on notera cependant l’absence totale de distanciation artificielle, relevant du comique ou plus simplement d'un clin d’œil au genre ou au spectateur*. Les personnages sont à la peine et les choses qu’ils doivent subir et faire pour survivre sont atroces. En cela le look and feel général du film opte clairement pour une orientation très sèche, directe et "réaliste". Attention on est pas non plus chez Ken Loach hein, réaliste dans le sens où les vampires sont aussi moches et sales que chez Carpenter, que les rescapés sont de petits êtres que l'horreur vient cueillir au creux d'une vie aussi triviale que la votre, que l'on a froid pour eux et que le sang sur la neige, bah c'est vraiment dégueu. S’il est vrai que le cinéma d’horreur intervient pour régurgiter le refoulé de notre société en pleine face -voir le Cigarette burns de John Carpenter, qui contient une vraie pearl dans son genre-, le final de 30 Days est d’une beauté et d’une noirceur assez inédite. Evoquant le très beau plan similaire de Blade 2, il enfonce le clou d’une Amérique montrée comme subordonnée, à la puissance et à la volonté rendue caduque par un pouvoir et des événements qui les dépasse. Seul défaut à l'horizon, la promesse d'unité temporelle impartie dans le titre aurait pu bénéficier d’un meilleur découpage. On ne ressent pas assez le poids des jours et du désespoir peser sur les épaules de nos petits nègres.


Cela dit 30 Days of night est un bon film d'horreur et pour être franc un film solide, à tel point qu’on se croirait chez Carpenter, cuvée The Fog. On a de plus en plus affaire à un cinéma américain populaire volontaire et engagé sur la voix de la "qualité". Cela reste un produit, mais un produit envisagé comme honnête et bénéficiant des meilleures intentions possibles. Nonobstant la bourre anglaise qu'il faut bien pouvoir suivre (The Descent pour ne citer que lui), la conclusion de Peter Biskind pour son livre Down & dirty pictures se concrétise au sein d'un cinéma américain réussisant le compromis entre contingences pop, populaires et commerciales et l'utilisation d'une palette audiovisuelle, technique, voire même autoriale beaucoup plus en phase avec le monde actuel et l'exigence du public. Internet, le retour fracassant de la bande dessinée et du comic book, le succès critique international de l'animation et les événements ayant infusé tout le paysage audiovisuel US depuis 2001, tout cela n'y est certainement pas étranger. Elle semble bien finie l'ère des branleurs straightforward et arrogants, sur fonds de révolution numérique inconséquente. Le dernier cri de rage de ce film, accompagné par des notes martiales évoquant une fois de plus John T. Chance, ça a quand même de la gueule, pour ne pas dire un sacré mordant.
Sylvain Thuret
30 Days of night, de David Slade,
sur un scénario original (enfin presque) de Steve Niles.
Dans les salles les plus obscures en janvier 2008.

NOTES

Si le film fait penser à The Thing, à aucun moment ce dernier n'est cité explicitement à la manière d'un The Faculty de Rodriguez, qui en reprenait une scène entière. Le contrat passé avec le public est ici très proche de celui que l'on trouve dans le "nouveau" cinéma d'horreur britannique, qui semble lui même s'inspirer de la fibre réaliste, politique et revendicatrice du cinéma 70's : pas de règles, attendez vous au pire.


Publié dans Cinéma

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