Terminator Salvation, et si on arrêtait ?

Publié le par Sylvain Thuret

Un budget monstrueux, un casting pas inintéressant, des outils promotionnels qui annoncent un film dantesque… et patatra. N’ayant pas l’habitude de tirer à vue, j’aimerais quand même rendre compte de ce qui m’a profondément gêné.

 

1/   Un film au budget absent
Terminator Salvation aurait couté  la somme hallucinante de 200 millions d’euros. Question : où sont ils passés ? Mis à part deux trois explosions et quelques véhicules de synthèse, il ne se passe RIEN à l’écran. Pire, aucune scène ne marque les esprits. Le seul grand moment d’action, une poursuite en camion, essaye de faire aussi bien que le Mad Max 2 de George Miller, mais en vain. Quelques jours après, je regardais The Constant Garderner à la télé. Avec différents lieux géographiques, ses couleurs et ses mouvements de caméra, ce film avait l'air plus "riche" visuellement que le maigrichon Terminator. Et il n'a couté "que" 35 M. Moralité : la couleur maronnasse dans un blockbuster, ça doit être hors de prix. 

2 / Des personnages calamiteux

Bryce Howard dans le rôle de Mme Connor dit 3 mots dans le film. Pas vraiment convaincante en « femme du futur », on la dirait tout droit sortie d’une pub Dop,  quand James Cameron nous montrait une Sarah Connor passant de l’état de dinde à celui de dure à cuire entre l’épisode 1 et 2.

L’autre femme du futur est une bombasse pilote de chasse pas crédible pour deux sous. Chez Cameron, on voyait une femme se battre, cheveux courts, mourir sous le feu ennemi. C’était dur, et ça rendait crédible la peinture d’un monde où l’humanité est une denrée périssable. Là on a droit à quelques plans l’Oréal sur la chevelure de la dame. Quant à Michael Ironside, que j’aime beaucoup, il est utilisé pour aboyer deux fois. Et mal.

La palme du déni total de caractérisation revient au 6e role Barnes, qui a 3 répliques, dont un "wassup" d’anthologie. Suivi de près par un "Ca c’est pour mon frère" vengeur, réplique tout droit échappé d’un actionner bidon des années 80.

Au rayon "les noirs sont de service", on a également la petite Star, qui accompagne Kyle Reese et qu’on croirait sortie d’un épisode de Punky Brewster. Mutique, elle a une sorte de sixième sens à boites de conserves : les trop chiches apparitions des robots sont ainsi immédiatement désamorcées par son regard, quand Cameron savait entretenir le suspense et la surprise. En dehors de ça, elle ne sert à rien. Elle croise une sorte de vieille qui règne sur un camp de survivants et prend le temps de s’occuper d’elle dans ce monde de brutes… juste avant de se faire enlever par une machine. Et cette vieille dame sympa va-t-elle mourir, survivre, se choper une dysenterie ? On la revoit deux fois prisonnière et puis c’est tout.

Et voilà le premier rôle : Christian Bale est il un bon acteur ? Autant de rachitisme et de sérieux contrit éloigne. Bien que l’intro texte du film nous annonce un prophète, à aucun moment il ne revêt ce rôle, puisque régulièrement remis à la périphérie du récit. Tout ce qu’il raconte et fait est ennuyeux et sans grand intérêt, la palme revenant à l’épisode où avec le dude Barnes, ils essayent une arme stratégique au cœur des lignes ennemies. Cette petite ballade nocturne arrive comme un cheveu sur la soupe : on ne les voit pas quitter leur base, ils ne rencontrent aucune adversité, et par la suite Connor va se porter contre l’idée de cette arme. Soit 3 minutes de rien, en insert comme ça pouf pouf. Sa participation dans le film est une suite de morceaux creux et mal fichus. Son rôle se situe à la limite du hors jeu.

Quant au Shakespearien Marcus, le terminator au cœur d’humain, il ne shake pas grand-chose.

 

3/ Confrontation zéro

Le budget honteux évoqué plus haut est aussi inexplicable lorsque l’on fait le total des confrontations homme Vs. machine. Tandis que Cameron nous faisait entrevoir un futur hallucinant de désespoir où il n’était question que de survie permanente contre des machines omniprésentes, elles sont ici totalement absentes de la version de McG. Mis à part un gros machin - qui aurait plus sa place dans Transformers -, deux trois motos, quelques navions etc, les confrontations entre l’homme et la machine ne sont jamais frontales et marquantes. Et quand celles ci apparaissent elles ne représentent aucune menace sérieuse. D'ailleurs, aucun humain ne meurt plein cadre, à un point que ça devient gênant pour un film de ce type (lire plus bas). 

Alors qu’un certain cinéma américain joue a remontrer la violence directe des années 8O, à la limite de l’outrance - Nispel, Zombie, Snyder, le frenchy Aja- , nous avons là un déni total de la franchise. Un terminator, ça fait peur, ça se promène en squad de deux et ça atomise de l’humain par paquets de douze. Le film nous laisse croire qu’ils se promènent vaguement pendant la journée, façon random. Mais attention ne vous baignez pas, les eaux en sont infestéss !   

Les camps de la mort évoqués dans le premier Terminator ressemblent ici à une file d’attente pour un ride Eurodisney. Pour nous rappeler qu’on est pas là pour rigoler on abat quand même un fuyard faut pas déconner. Pas sympas les machines. Quant au grand final, à savoir l’infiltration de Skynet, c’est un grand moment de n’importe quoi total : cohérence, montage, et action sont à la rue. Alors que pendant tout le film on nous surine comme quoi la zone nord est controlée par Skynet, qu’il y est partout et que tu y meurs au premier pas, Connor rentre dans la base ennemie comme en plein dimanche chez mémé.

On aurait pu espérer qu’une confrontation avec l’entité Skynet donne autre chose qu’un échange à peine digne d’un épisode de Masters of Science Fiction. Aucun effort d’imagination n’a été fait pour rendre compte de l’omnipotence et de l’intelligence de ce super ordinateur. Pire, l’échange a d’ailleurs lieu entre Marcus et l’ordinateur… Bale / Connor est à nouveau mis à l'écart d'un point qui aurait pu être majeur. Je ne sais pas s’ils ont bien tout compris chez Halcyon.

De plus les décors sont inexistants, les prisonniers ne sont gardés par personne et Connor les sauve tous, et même ils rentrent tous dans un seul hélico (voire deux). Il tombe bien sur un ou deux terminators coriaces, dont un au clin d’œil obligatoire, mais la sauce ne prend pas. C’est tellement mal fichu et expédié que ça fait peur.

 

4 / Chirurgie plastique
Esthétiquement, le film essaye de suivre la ligne réalistico maronasse post 9/11 en vogue, celle des John Rambo, Gran Torino et The Wrestler. Problème, le studio veut le beurre et l’argent du beurre et demande à ce film de guerre soit disant hardcore de plaire au plus grand nombre. Résultat : aucun crane ne jonche le sol, quasiment aucune mort directe, et aucune goutte de sang pendant tout le film. L’exemple le plus flagrant est situé dans le premier quart d’heure : Connor remonte à la surface et voit ses collègues occis pendant qu’il était aux cabèches. Occis hors champs donc. Le monsieur il dort à l’écran maman ?

Personnellement, je n’ai pas de quota sur le nombre d’actes de violence que je veux voir à l’écran. Je pense qu’un bon réalisateur / scénariste est capable de montrer un acte violent tout en permettant au spectateur d’apprécier cet acte. Dans le premier Terminator par exemple, quand le soldat féminin se fait tuer, on voit Kyle Reese baisser les yeux de rage l’espace d’un instant. C’est le genre de détail qui n’en est pas un. Ce moment me choque toujours aujourd’hui. Mais on ne fait pas ou peu de grand film d’action fantastique sans casser quelques œufs et je trouve que le concept de "film de genre tout public" que veut imposer Hollywood est un pari impossible, pour ne pas dire un procédé ultra dérangeant.

Conclusion

Terminator Salvation est un film qui se veut tout public et qui finalement se retrouvera très vite sans aucune fanbase. Malgré l’envie de faire jouer la couleur réalistico maronnasse des Wrestler, John Rambo, Gran Torino et futur The Road, on se retrouve devant un cartoon pour mioches déguisé en film fantastique pour adulte. Sans être fondamentalement raté, son manque d'audace et de saveur le fera très vite tomber dans l'oubli. 

Quant à James Cameron, présent comme Spielberg au dernier E3 pour parler de son Avatar, sa déclinaison en jeu vidéo et le potentiel actuel de ce medium, il sait où le vent souffle. Le jeu vidéo va remplacer d’ici 5 ans le cinéma d’action / à grand spectacle. Le seul capable d’endiguer cet état de fait semble être JJ Abrams, dont le Star Trek intègre parfaitement cette culture des couleurs, du mouvement et du fun permanent. La convergence film d’auteur / film de genre / grand public amorcée après le 11 septembre semble ici achopper, entre les mains d’un réalisateur moyen, avec la contrainte d’un PG 13 imposée par le studio. Quid de la version Director's cut pour la version DVD, censée contenir 40 min en plus ? Le vrai film se cacherait il là ? 

 

Publié dans Cinéma

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